Se remettre d’un abus sexuel – Rapport de séminaire

Tenue, le 20 février 2022, d’un séminaire sur la prise en charge des Abus sexuels, animé par Ella Fifamè KOSSOUOH (Assistante sociale – Chercheure en Santé publique) et Jean-Baptiste LINSOUSSI (Sexologue – Chercheur en Santé publique)

Un extrait vidéo du séminaire est disponible ici. Vous pouvez suivre l’intégralité en vous rendant sur la chaîne YouTube de l’ONG CIS-BENIN en cliquant ici

rapport seminaire abus sexuel

CONTEXTE

Les abus sexuels, en l’occurrence ceux exercés sur mineur.e.s, sont un véritable problème de santé public un peu partout dans le monde. Au-delà de son caractère insidieux, en Afrique, le phénomène est davantage complexifié par divers facteurs d’ordre sociologique qui rendent difficiles sa prise en charge et son éradication. Les conflits armés observés par endroits sur le continent, où les violences sexuelles sont malheureusement utilisées comme une arme, ne sont pas pour arranger les choses.

En dépit de la prégnance du phénomène au sein de la société – en famille, en milieux professionnel et confessionnel, etc. –  l’Afrique ne compte pas beaucoup de spécialistes en la matière et le recours à la thérapie n’est pas véritablement dans les habitudes des populations. Aussi, les  approches de prise en charge constatées sur le terrain sont-elles en général parcellaires, laissant des failles qui favorisent la persistance du mal chez les victimes.

Face à ce tableau inquiétant, l’ONG Circle of International Solidarity – Bénin (CIS-BENIN) a identifié la formation et l’éducation régulière comme moyens de lutte efficaces pour combattre le phénomène. C’est ce qui sous-tend l’initiative de ce séminaire qui n’est que le premier d’une série d’activités envisagés sur la problématique.

INTRODUCTION

Le dimanche 20 février 2022 s’est tenu,  dans l’après-midi, un séminaire virtuel d’information et de sensibilisation sur le thème « Les abus sexuels sur mineur.e.s : conséquences, prise en charge de la victime, des parents et de l’agresseur ». Le séminaire est une initiative de Circle of International Solidarity – Bénin (CIS-BENIN), une organisation non gouvernementale à but non lucratif basée en République du Bénin et  dont le champ d’action comprend prioritairement les domaines de la santé, du bien-être et de l’éducation, notamment l’éducation des couches vulnérables de la société. C’est une activité qui s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’actions annuel 2022 de l’ONG.

Le séminaire a connu la participation de professionnels de divers secteurs d’activité en provenance de pays africains, notamment la République Démocratique du Congo et le Bénin. Il a été animé par deux spécialistes de la question, à savoir : Madame Ella Fifamè KOSSOUOH et Monsieur Deogratias M. Jean-Baptiste LINSOUSSI. Des notes de  présentation de ces derniers sont en Annexe 1 au présent rapport.  

Quatre modules ont fait l’ossature du séminaire. Il s’agit de :

Module 1 : Les abus sexuels sur mineur : décryptage du phénomène ;

Module 2 : Abus sexuels : facteurs de risque ;

Module 3 : Conséquences des abus sexuels aux plans physique, somatique, psychologique et comportemental ;

Module 4 : Abus sexuels : Prise en charge thérapeutique et sociale de la victime, des parents et de l’agresseur.

Outre ces modules, quelques échanges entre les participants et les animateurs ont permis de préciser certains aspects de la problématique.

Le contenu du rapport est essentiellement structuré suivant les modules évoqués supra.

PRESENTATION DES MODULES

Module 1 : Les abus sexuels sur mineur : décryptage du phénomène

Ce module est composé de deux grades parties, à savoir : une clarification de concepts phares et quelques données statistiques sur les abus sexuels dans le monde.

Clarification conceptuelle

En résumé, on peut retenir les points suivants :

Selon l’OMS (2006), la Violence sexuelle est la « Participation d’un enfant à une activité sexuelle qu’il n’est pas pleinement en mesure de comprendre, à laquelle il ne peut consentir en connaissance de cause ou pour laquelle il n’est pas préparé du point de vue de son développement, ou encore qui viole les lois ou les tabous sociaux de la société. »

Cette définition prend en compte, entre autres : les agressions physiques réelles ou menaces d’agressions physiques, le viol, la sodomie forcée, les rapports oraux forcés, les agressions sexuelles au moyen d’un objet, les voies de fait de nature sexuelle, les caresses forcées, la contrainte affective et/ou le chantage psychologique, les attouchements non désirés.

Sont également considérés comme abus sexuels, les faits ci-après :

imposer une relation sexuelle comme condition à l’octroi d’une aide ;

forcer quelqu’un à avoir une relation sexuelle, ou le forcer à avoir une relation sexuelle avec un tiers ;

forcer quelqu’un à se livrer à la prostitution ou à la pornographie

enregistrer ou photographier des actes sexuels et les diffuser sans autorisation ;

affirmer dans des documents juridiques qu’une personne a des antécédents de prostitution, ou menacer de le faire

s’adresser à quelqu’un en utilisant des noms à caractère sexuel

insister sur des choses à caractère sexuel, notamment sur des plaisanteries susceptibles de mettre mal à l’aise, de faire peur ou de blesser

dire à une personne qu’elle ou un tiers sont obligés d’avoir une relation sexuelle, en faisant de celle-ci une condition pour l’obtention

Mineur ou enfant

« Un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable » (Article 1er Convention internationale des droits de l’enfant)

La “minorité” est le nom donné au statut juridique que la loi attache à la personne qui, en France. L’incapacité du mineur est une incapacité d’exercice, c’est un régime de protection destiné à éviter que l’on abuse de la méconnaissance par l’intéressé des droits qu’il tient de la Loi. Selon les dispositions de l’article 2 de la Loi n° 2015-08 portant code de l’enfant en République du Benin, on entend par “enfant” tout être humain âgé de moins de dix-huit (18) ans. Le terme “mineur” prend le même sens que celui d’enfant.

Quelques statistiques dans le monde

Selon l’OMS, près d’un milliard de mineurs âgés de 2 à 17 ans sont victimes d’abus sexuels. L’UNICEF évoque le chiffre de 120 millions d’enfants. En Europe, 2,5 millions de jeunes femmes avant l’âge de 15 ans. La prostitution de mineurs, selon une enquête d’Interpol concerne plus de 14 000 victimes, dans 54 pays européens. En Asie, selon l’ONG Asian Center for Human Rights, 48 338 cas de viols de mineurs  ont été enregistrés entre 2001 et 2011. Problématique de l’abus implique des dizaines de millions d’enfants en Inde.

Aux États-Unis d’Amérique, selon l’ICMEC (International Center for Missing and Exploited), un enfant sur 10 est victime d’abus sexuels. En Australie, selon une enquête de l’AIHW (Australian Institute of Health and Welfare), une femme sur six (soit 1,5 million de femmes) et un homme sur neuf (près d’un million), sont abusés avant l’âge de 15 ans. Le taux d’abus sexuels est sept fois supérieur au niveau du reste de la population australienne.

En Afrique du Sud, un tiers des mineurs vulnérables aux abus. Plus de 780 000 adolescents de 15 à 17 ans abusés, dont moins d’un tiers se sont adressés à la police. Dans les autres pays d’Afrique, le phénomène est encore impossible à évaluer précisément : il s’inscrit dans le contexte plus large de violences liées aux guerres mais aussi aux mariages précoces. Au Bénin, le taux d’accroissement des violences sur mineures de 2016 à 2017 est de 9,98%, 19,23% de 2017 à 2018 et 21,12% de 2018 à 2019. 69% des Béninoises disent avoir subi au moins une fois dans leur vie des violences sexuelles.

Module 2 : Abus sexuels : facteurs de risque

Selon l’origine ou le contexte, on distingue : les abus sexuels intrafamiliaux (abus sexuels incestueux), les abus sexuels extrafamiliaux et les viols de guerre ou « viol d’opportunisme ». Trois déterminants sont pris en compte : la Communauté, la victime (ou la survivante) et l’auteur de l’abus.

Cinq (05) principaux facteurs de risque sont en général identifiés : les facteurs sociodémographiques, les facteurs culturels et religieux, les facteurs économiques, les relations entre le survivant et l’auteur de violence et les facteurs institutionnels. Le schéma ci-après en donne un aperçu

facteurs abus sexuels

Le tableau en Annexe 2 présente plus de détails sur ces facteurs.

Module 3 : Conséquences des abus sexuels aux plans physique, somatique, psychologique et comportemental

Les conséquences des abus sexuels sont aux plans physique, somatique psychologique et comportemental concernent les trois parties impliquées, à savoir : la victime (ou la survivante), l’agresseur et les parents.

Le tableau en Annexe 3 présente en détails ses conséquences.

Module 4 : Abus sexuels : Prise en charge thérapeutique et sociale de la victime, des parents et de l’agresseur

En raison des subtilités que présentent les abus sexuels, telles qu’exposées dans le premier module, leur prise en charge thérapeutique se révèle très délicate. On peut retenir globalement qu’il n’existe pas de standards en la matière, chaque cas d’abus présentant ses spécificités. Il est tout de même fortement recommandé une apporche holistique impliquant toutes les parties concernées.

Toutefois, les animateurs ont, au cours de leurs présentations, a évoqué quelques techniques thérapeutiques souvent pratiquées sur le terrain par les spécialistes.

Prise en charge thérapeutique de la victime, des parents et de l’agresseur

La prise en charge thérapeutique en matière d’abus sexuel fait appel à des techniques dont quelques-unes sont exposées dans le tableau en Annexe 4.

Prise en charge sociale de la victime, des parents et de l’agresseur

Les points abordés au cours de ce module sont :

> la stratégie de l’OMS ;

> les bases juridiques et institutionnelles ;

> la prise en charge psychosociale ;

> les structures de prise en charge au Bénin ;

> cas des auteurs d’abus sexuel.

Quelques détails sur les techniques de prise en charge psychosociale sont présentés en annexe 5.

CONCLUSION

Au terme des présentations et des échanges qui ont suivi, on peut retenir que les abus sexuels, notamment ceux exercés sur les mineur.e.s sont un problème majeur de santé publique dans le monde, en général, et en Afrique, en particulier. La prise en charge de la victime, des parents de la victime et de l’auteur, fait appel à une batterie de mesures aux plans biologique, psychosocial, juridique et institutionnel. Cette prise en charge doit donc s’inscrire dans une approche holistique.

Compte tenu de son caractère subtil, diffus et donc difficile à maîtriser, il s’impose aux gouvernants et acteurs de la société civile, l’impérieuse nécessité d’une veille permanente. La formation et la sensibilisation doivent occuper une place de choix dans toute politique mise en en place dans ce sens. A cet effet, il est utile de préciser qu’il est prévu, pour le 06 mars 2022, une autre formation, suivant le même format, sur le thème : « Le Viol :  conséquences et urgence d’une prise en charge », qui sera animée par le Professeur Armand LEQUEUX, médecin, gynécologue, sexologue, écrivain et professeur émérite de l’Université Catholique de Louvain (UCL). Cette formation concerne les professionnels de la santé et toutes autres personnes intéressées par le sujet.

L’ONG CIS-BENIN témoigne ses sincères gratitudes à l’endroit de tous les participants et de toutes les personnes qui ont contribué à la réussite du séminaire.

ANNEXES

ANNEXE 1 : NOTES DE PRESENTATION DES ANIMATEURS DU SEMINAIRE

Madame Ella Fifamè KOSSOUOH, Assistante sociale diplômée de l’Ecole Supérieure des Assistants Sociaux du Bénin, spécialiste en Santé communautaire, chercheure en Santé publique à l’Institut Régional de Santé Publique Comlan Alfred Quenum (IRSP-CAQ) de Ouidah au Bénin. Elle travaille au Ministère des Affaires Sociales et de la Micro-Finance du Bénin où elle occupe le poste de Cheffe du Centre de promotion sociale de Xwlacodji à Cotonou.  Elle milite au sein de l’Association nationale des Assistants sociaux du Bénin dont elle est la Secrétaire générale.

Monsieur Jean-Baptiste LINSOUSSI, Sexologue clinicien, diplômé de l’Université Catholique de Louvain (UCL) en Belgique, titulaire d’un certificat universitaire de Criminalistique et Psychiatrie médico-légale de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) en Belgique et chercheur en Santé publique à l’IRSP-CAQ de Ouidah au Bénin. Il milite pour le bien-être des populations à travers l’ONG CIS-BENIN dont il est le Président. Régulièrement autorisé par arrêté du Ministre de la Santé du Bénin à exercer le métier de Sexologue-clinicien, Monsieur LINSOUSSI consulte, assiste et soigne les personnes ayant de difficultés liées à leur sexualité.

ANNEXE 2 : FACTEURS DE RISQUE DES ABUS SEXUELS (Fichier PDF disponible ici)

ANNEXE 3 : CONSEQUENCES DES ABUS SEXUELS (Fichier PDF disponible ici)

ANNEXE 4 : PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE (Fichier PDF disponible ici)

ANNEXE 5 : PRISE EN CHARGE PSYCHOSOCIALE (Fichier PDF disponible ici)

Partager sur :

One comment

  1. Bravo pour le travail et du courage pour le combat.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

×

Hello!

Click one of our contacts below to chat on WhatsApp

×